dimanche 26 octobre 2008

Soirée électorale, en projection virtuelle…

Dans un récent article paru au journal et portant le titre «à mon ami(e) qui votera Ségolène Royal», l'accent est mis sur un sérieux paradoxe typiquement tunisien. Une disparité cruelle entre, d’un côté, le désir profond de discuter de politique et de participer à la chose publique et d’un autre, la féroce inaction qui sclérose toute tentative de changement. Ce paradoxe est révélateur d’une seule démocratie possible… La démocratie par «procuration», principalement, à travers l'intérêt porté aux élections dans l'hexagone ou encore, au «States».
Cet article a suscité en moi l'envie de dépasser cette façon de fonctionner. Pour ce faire, j'ai imaginé le grand soir, celui où nous, tunisiens, pouvions vivre, enfin, le bonheur d'une véritable joute électorale. Voici imaginé, pour vous, le scénario :
Le commentateur vedette (un Samy Fehri ou un Moez Ben Gharbia convertis au show politique), le visage calme, livre les premiers chiffres de la participation. Ce faisant, les invités, représentant l'ensemble des forces politiques en présence, affluent les uns après les autres au studio. Mines radieuses ou démontées, ils se serrent la main et prennent place pour le débat final.
Une fois l'ensemble des bureaux de votes bien fermés, les premières estimations commencent à tomber. Loin de la débâcle annoncée, le parti au pouvoir, depuis l'indépendance, résiste tant bien que mal à la montée des partis d'opposition. N'ayant pas obtenu la majorité absolue, il se dégage des urnes, pour lui et aisément, une majorité de gouvernement. Sur le plateau, les invités multiplient les échanges dans un débat musclé mais toujours civilisé.
L'opposition, elle, crie victoire et souligne le vote sanction notoire dans l’analyse des résultats. Elle va jusqu’à y voire un avertissement sévère adressé à la majorité en place et conclut à une victoire à la pyhruss. Dans son argumentaire, l'un de ses représentants attribue le recul du parti au pouvoir à la reforme de la CNAM, l'autre, plus réaliste, insiste sur la sanction populaire, rendue inévitable le phénomène de l'usure par le temps . Du côté des sortants , on insiste sur la conjoncture internationale et ses retombées.
Mais il y a encore un deuxième tour et les résultats annoncés ne sont encore que de simples estimations….
Entre-temps les résultats sont proclamés. Passée au scrutin uninominal à deux tours, la donne électorale est bouleversée. Ici, un ministre important de la République est en ballottage défavorable à la circonscription de Redayef. Là-bas, le chef d'un parti d'opposition, pourtant rassuré par le capital sympathie gagné dans son fief de Fernana, est incertain d'être au second tour, le vote de Beni-mtir pouvant lui être fatal. À Djerba, le député-maire de Houmet-souk sortant, se fait étalé par une candidature dissidente. Bref, au studio la discussion est à la mesure des enjeux et la tension bas son fort.
Le lendemain, les nouvelles affiches arrivent pour les circonscriptions où un second tour s'est avéré nécessaire. Les équipes de campagnes se réactivent et distribuent des tracts partout… surtout dans les marchés. Les candidats font du porte-à-porte à la recherche de la moindre voix, le tout dans un esprit civique et démocratique.
Au siège du ministère de l'intérieur, le tenant du portefeuille serein, égrène les résultats, avance sa propre analyse politique du scrutin et répond aux journalistes. Avouant au passage que ces élections ne sont pas tout à fait favorables à son parti, il conclut sa conférence de presse par un appel à la mobilisation générale dans son camp. En somme, un lendemain normal d'élections… Quoi de plus normal, il s'agit bel et bien de compétition électorale, et heureusement pour nous, loin est le temps où le menu de la soirée électorale était constitué d'un insipide plateau ou se succèdent inlassablement des chanteurs sans voix.
À quand pareil scénario ? J’avoue que même en rêve, j’ai du mal à me fixer sur une réalité aussi virtuelle. Mais, l’optimiste, que je suis, croit en une transformation de la démocratie par procuration à une pro-démocratie, par curation intraveineuse ! Il faudrait juste que les partis d’opposition ne partent pas à la recherche de miettes de reconnaissance du pouvoir en place, mais qu’ils reviennent à des vérités simples et concrètes : un vrai projet du vivre ensemble, construit sur des racines culturelles et sur des pratiques progressistes.

NDLR/ L'article " à mon ami(e) qui votera segolene royal" mentionné au début du papier est disponble sur ce lien http://amisattariq.blogspot.com/

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