jeudi 19 juin 2008

Que c’est beau une ville qui tôt la nuit roupille !!!

Quand sonne l’heure du respect du voisin, seul le centre ville se réveille. Il répond par une belle artère silencieuse, des ruelles macabrement sombres et de larges magasins rideaux tirés.
Souvenons nous, il y a quelques années de cela, quand le président de la république, dans une de ses visites inopinées, semblait atterrée par l’ambiance qui régnait au centre ville. L’atmosphère, et notamment dans son avenue phare, se rapprocha de la cité dortoir.
Le courroux présidentiel a assurément produit une agitation autour de la question en secouant les responsables municipaux et les autorités régionales. Mais force est de constater, que l’effet est digne d’un réel feu de paille. Hormis un geste d’«embellissement» de l’avenue mené tambour battant, rien n’a vraiment changé. Le cœur étincelant de la ville de Tunis ne finit pas de ronronner, voir de ronfler, la majeure partie de la nuit, sur fond d’artères vides et douteuses.
Mis à part le ramadan, la saison estivale et les quelques évènements culturels majeurs comme les JCC ou encore les victoires de l’équipe nationale, qui se font rares ceci dit en passant, l’ambiance y est toujours placide. Stores baissés, lumières en demi-teinte. Seuls quelques courageux «gargottiers», cafetiers ou restaurateurs abandonnent leurs portes ouvertes, mais rarement au-delà de minuit.
Dans ce monde fait de silence et d’ombre, on peut quand même apercevoir quelques bars et cabarets osant offrir un refuge pour toutes celles et tous ceux ce qui tentent encore se laisser se divertir la nuit.
Tunis ville morte ? pourquoi donc, les tunisiens seraient-ils à ce point «wejh doudou» et pantouflards. Est-ce que le programme plateau devant télé est un plan approprié pour nos concitoyens ? est ce que le stress de la vie quotidienne et son fameux triptyque metro boulot dodo peut expliquer à lui seul ce cafard mortel qui envahit nos artères une fois le soleil couché ? À mon avis, moult raisons viennent à expliquer cette MAR «morosité ambiante répugnante».
La première raison est liée à la cherté continue des loisirs, largement soutenue par la hausse généralisée des prix des céréales, des produits laitiers, du carburant, des fruits, du sel, et j’en passe. Face à cela, le tunisien est accablé par une dégradation continue de son pouvoir d’achat, grâce notamment à une stagnation marquée des salaires, qui augmentent à vitesse d’escargot, croisée généreusement à la «chaabya» voitures et ordinateurs, aux crédits immédiats, habitation, mariage, première installation, divorce, études, etc.
La deuxième raison concerne l’offre en termes de loisirs et de culturel qui demeure des plus timides et des moins diversifiées. La troisième raison trouve son essence en l’absence ou la rareté des moyens de transport au-delà d’une certaine heure de la nuit. De la cité el Ghazala ou de la Manouba à l’avenue Habib Bourguiba, le trajet en taxi n’est pas des moins chers et tous les citoyens jeunes en tête n’ont pas les moyens de sacrifier dix dinars pour aller se balader dans les allées de l’avenue.
Autre raison, et pas des moindre, une sécurité branlante malgré une présence policière étouffante dressant barrage sur barrage et qui n’a de cesse de faire des contrôles papiers même sur les trottoirs des rues et artères du cœur de Tunis. Le nécessaire rôle de notre police nationale est des bienvenue pour réprimer les incivilités qui hélas deviennent monnaie courante et constituent un repoussoir pour les paisibles citoyens , femmes en particulier qui n’osent plus se balader en ville. Toutefois il serait souhaitable que la mission des agents qui veillent à la quiétude et l’ordre publique soit discrète d’une part particulièrement bien ciblée d’une autre part pour que l’on ne confonde point les « voyous » et les honnêtes citoyens.
Conséquence, le centre ville est déserté par les citoyens et malheur à celui qui veut s’y aventurer 23 heures passées. La rue de Marseille, une des plus fréquentée par des horaires du bureau, en est l’exemple le plus édifiant. Abritant profusément de restaurants et de bars, elle est naturellement le repère de tous ceux qui veulent se divertir un peu, sirotant autre chose qu’un café, chose on ne peut plus légitime liberté individuelle oblige. Toutefois, comme le nombre de restaurants et autres cafés-bars servant ce type de breuvage se réduit comme une peau de chagrin, et comme la réglementation interdit d’en servir après une certaine heure, la course effarée à la consommation est entamée. On assiste alors à une scène à la Lynch : les amateurs paniqués par l’heure couperet où le service doit s’arrêter, s’engagent dans des sprints massifs à qui ingurgite le plus. Je vous laisse imaginer la suite du scénario. Les cagots volent, les bouteilles se vident, les cigarettes n’en finissent pas d’être tirées, entre assiettes de foul mdammes et cendriers débordant.
Les ruelles du centre se transforment en une véritable «pissotière» sentant bon les beuveries les plus frénétiques. Elles sont hantées par les colosses faisant œuvres de portiers qu’on peut croiser aux entrées de ses restaurants. Elles portent dorénavant une intrigue relevée par la 4x4 noire et blanche et les motos montées par des policiers en tenue noire, comme s’il s’agissait d’un endroit sous très haute protection.
Même malheureux sort à qui aurait une petite fringale ou tout simplement se prend d’une envie d’inviter sa belle ou son pote à manger dehors. Nul choix si ce n’est les gargottes qui semblent n’avoir jamais reçu la visite de nos si énergiques services d’hygiène. Un lablabi, à la hargma ou sans, jonché de véritables OFNI (objet flottant non identifié), un sandwich merguez dont les coloris semble l’œuvre d’un chimiste digne du professeur tournesol ou encore un chapati avec un farce faite de viande d’un gentil mammifère connu par ses grandes oreilles et son intelligence particulièrement vive.
Même sort à celui qui veut s’offrir une soirée cinéma. Dans l’hypothèse ou les propriétaires des salles n’ont aucun film tunisien à se mettre sous la dent, ce sont les œuvres d’edwige fenech ou sylvia christelle ou l’une de leurs valeureuses héritières qu’ils nous ressortent, plastique de choc faisant œuvre de seul scénario. Et pour passer vraiment un beau moment agréable et intellectuel, il faut relever les sempiternels et délicats bruits de glibettes et autres sons douteux des grincements des pops-corns, auxquels sont venus s’ajouter les discrètes mélodies des téléphones portables fustigeant comme des ambulances transportant un accidenté de la route.
Pour ce qui est du théâtre, excepté certains noms, dont notamment le toujours bien récompensé par la censure fadhel jaibi, les scènes tunisiennes regorgent d’affiches de pièces de théâtre petitement subventionnées par des fonds publics mais qui n’ont point de public. L’essentiel serait-il, pour leurs auteurs, de remplir les salles ou d’avoir une part du gâteau des aides publiques à la création ?
Enfin, nous y voilà au dernier des délassements, et non des moindres ; les grandes boîtes de nuits et autres dancing. Pour s’y rendre, ne comptez pas moins de 15 km pour les plus médiocres, sinon, prenez l’autoroute pour faire 60 à 130 km. « Broutille » me diriez-vous pour quelqu’un déterminé à se divertir. Vous comprenez alors la sélection (naturelle) qui s’ajoute à la sélection que les gentils gorilles postés aux entrées se chargent d’appliquer. Toutefois, même après avoir obtenu le précieux sésame qui ouvrira un de ses hauts lieux de divertissement, restera l’épineuse obligation de consommer. Là, c’est du sérieux, car une petite canette de coca peut valoir le prix d’une journée de salaire d’un smigard.
On comprend pourquoi Tunis devient vite une grande Mégapoule

Message Publié par Mehdi sur les collones d'Attariq-Aljadid ( mars 2008)

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