mardi 15 juillet 2008

Basta yezzi stop

Basta, yezzi stop ……

La finale de la coupe de Tunisie, grande tradition s’il en existe, de notre football national, devait être l’apothéose d’une saison sportive fort disputée jusqu’à son sprint final. Malheureusement, les graves incidents qui ont emmaillé l’après finale ont gâché ce qui devait être une «fête» et l’ont transformée en un véritable cauchemar aux dires des personnes présentes, des photos et des vidéos disponibles sur la toile.

Sans chercher à donner des leçons à quiconque ou à moraliser le stade, sans avoir l’intention de rentrer dans le détail du match, sans vouloir revenir sur les erreurs d’appréciation qu’aurait commis l’arbitre allemand en faveur, ou en défaveur, de l’un ou l’autre des protagonistes de la finale et en écartant, surtout, toute stigmatisation excessive du public étoilé qui n’est pas le premier à avoir disjoncté de la sorte cette saison ou dans des saisons précédentes, il y a lieu d’examiner sérieusement les causes profondes de la recrudescence de la violence et des actes d’incivilité à l’intérieur et en dehors des arènes sportives.

Cette saison sportive, à l’instar de ses devancières, a été riche en contentieux et contestations. Pas une semaine ne passe sans qu’il n’y ait signalisation de jets de projectiles, fermetures de stades ou mise en cause de joueurs et de dirigeants pour «mauvais comportement» ou «agression sur arbitre».

De recours en appel, la ligue nationale du football et toutes les instances compétentes en matière disciplinaire et de contentieux sportif, n’ont pas cessé de siéger et de rendre des verdicts. Jamais le contentieux sportif, toutes branches confondues, n’a fait l’objet d’autant de débats publics et privés. La question sportive, et tout ce qu’elle comporte, occupe désormais le centre du débat public. On s’identifie aux couleurs et au fanion du club sportif de son village, de sa ville ou de sa région. On se reconnaît dans des présidents de clubs, véritables leaders d’opinion de ce début de siècle, toujours désignés par les autorités locales ou régionales, généralement, sur la base de critères autres que la compétence, l’intégrité, la qualité d’éducateur ou la connaissance du sport et du terrain.

Toutes les semaines, défilent, sur les trois chaînes télévisées Tv7, Tunis21 et Hannibal Tv, quantité d’émissions où l’on décortique les matchs moins du point de vue tactique et technique que de celui des erreurs d’arbitrage, des décisions disciplinaires ou des réserves techniques etc. Des débats passionnés où les présidents de fédérations, le sélectionneur national, les membres des structures dirigeantes de notre sport national sont parfois mis en difficulté. Idem pour les autres moyens d’information, où le sensationnel se dispute souvent aux déclarations les plus provocatrices et tapageuses. Certains y ont vu un semblant de vague et infime lueur d’ouverture et de «démocratie» susceptible de s’étendre à d’autres sphères du débat public. C’est plutôt une réussite totale d’une entreprise de «décervelage» et de mise sous tutelle de l’intelligence des jeunes et des moins jeunes de ce pays.

Dans le tableau de «l’horreur», des images et des séquences vidéo honteuses de cette saison sportive, on retient une série d’incidents anti-sportifs dont les plus «remarquables» ont eu pour théâtre les stades de Rades, Sfax, Bizerte et du Fahs... Au commencement, il y a eu le stade de Bizerte où le public local - en réaction à un arbitrage qu’il jugeait partial - avait tout simplement bombardé le stade de projectiles de tous genres pour brûler ensuite les voitures de la galerie visiteuse. En réaction, cette dernière, par le truchement de certains qu’on qualifierait facilement d’«imbéciles», s’en était même pris à une clinique et avait commis des actes de vandalisme à l’encontre de certains citoyens. Après, ce fut le match arrêté de Sfax où l’équipe locale, après d’interminables palabres avec l’arbitre, s’est retirée de l’aire du jeu dans une ambiance électrique. Ensuite, ce fut les incidents du stade du Fahs où par la faute d’un président irresponsable, la gabegie a pris le dessus sur le sport… La suite, vous la connaissez. Un stade flambant neuf entièrement mis à sac! Enfin, la «pierre» sur le gâteau, «l’épopée de Maxula» du 5 juillet dernier pour certains écervelés; un festival d’incivilités et de violence qui n’a ménagé ni les vitres de la toute nouvelle piscine olympique, ni la forêt de Rades et encore moins les voitures des forces de l’ordre et les camions de la garde civile. Dans l’une des vidéos vantant la razzia de Rades, vous pourrez entendre la voix d’un jeune «fanatique», semblable par ailleurs aux autres fanatiques de tous les clubs, qui haranguait ses acolytes : «Ce camion – le camion citerne des pompiers coûte cher. Brûlez-le».

Sérieusement, où va-t-on? Comment se fait-t-il qu’un président qui joue de la braise du régionalisme, qui arrête de son propre chef une rencontre jusque-là sans incidents graves et qui, comble de l’irresponsabilité et de l’immoralité, traite, devant des millions de Tunisiens, l’arbitre de «sale» reste sans sanction exemplaire? Comment voulez-vous que cela ne dégénère pas dans nos stades quand les chants et les banderoles des supporters sont de véritables appels à la haine et d’authentiques hymnes à la violence? Nos instances dirigeantes vont-elles enlever leurs boules Quiès pour écouter vraiment ce qui se chante dans nos stades : « jboura », « commando », « cartouches », « zatla », « sahli ya kedha », « Sfaxi ya dra chnowa », « beji ou jendoubi ya wachesmou », « cha3rou bil mardouma », « l’efriki habet men draw win », « tarraji ya mouch aref wech », « Guirra, virage el commando »… ? Est-il possible que des banderoles géantes et des chorégraphies reproduisent l’adversaire d’un jour, voisin de toujours, sa sœur ou sa mère en rat, en nain, en prostituée ou en autre chose de vulgaire et dégradant ?

En raison du laxisme des instances dirigeantes, le stade est devenu l’exutoire où toutes les violences, et pas que verbales, sont permises. Le stade est, certes, un lieu de fête et un espace de défoulement où l’on vient chercher des sensations, mais il n’est pas pour autant un territoire de non-droit où tout est permis.

Organisés en plusieurs groupes « x warriors », « ultras y », « z boys » et d’autres dénominations venues d’autres contrées, chapeautées en principe par des comités de supporters qui sont censés coordonner le tout, les supporters sont en principe bien encadrés. Toutefois, force est de reconnaître qu’il n’en est rien. Car même si elles existent sur le papier et si elles sont bien impliquées dans l’animation et l’orchestration, leur rôle est nul quant à la prévention et la répression des incivilités. La preuve: la violence est partout et rien que lors de cette saison sportive, il n’y a quasiment pas de club qui n’ait pas eu à jouer devant des gradins vides.

Cette recrudescence de la violence relèverait dans ses causes de plusieurs facteurs qu’il serait difficile d’énumérer: désir de défoulement, manque criant d’autres espaces d’expression, cristallisation de toute la frustration autour du phénomène football, les conditions dans lesquelles sont organisées les matchs, les déplacements et l’accès aux stades, le stress que subissent et que font subir les forces de l’ordre aux supporters… Quand on rajoute à tout cela, au gré des résultats, les propos arrogants ou de victimisation de certains dirigeants, le tout ne peut que créer, et crée en définitive, un cocktail détonnant des sentiments les plus survoltés.


Messieurs les dirigeants des instances sportives, il est grand temps que vous frappiez un grand coup et que les sanctions soient des plus sévères. Pour une banderole déployée par une bande d’abrutis visant les « chti’s » du nord de la France, la ligue « hexagonale » de football professionnel n’a pas manqué de sévir lourdement. Comparée à ce qui s’écrit sur nos banderoles et aux chants qui montent de nos gradins, cette banderole, est très douce voire « lightissime ».

D’ailleurs, quand on écoute l’entraîneur adjoint de l’Etoile déclarer que l’Etoile Sportive du Sahel a fait l’objet d’un complot organisé (qui en seraient les commanditaires ?) ; quand on observe que son président, tout en condamnant les actes de vandalisme et de violence, abonde dans cette même tentative d’explication de la défaite; quand on voit l’attitude offensive du président du CSS - équipe et public des plus fair-play de la Tunisie - dénoncer un plan ourdi contre une région ; quand on se rappelle du silence du président clubiste face au comportement odieux d’une partie des supporters lors du grabuge qui a suivi le match aller CA-CAB de l’actuelle saison sportive ; quand on se remémore, qu’il y a plusieurs années déjà, au lendemain d’un match entaché du sang de pauvres supporters béjois, les dirigeants de l’Espérance sportive, menés par le président de l’époque, parler de la date où va se rejouer le match et des cartons jaunes (comptabilisables ou pas) ; quand on et quand on..., Ce listing peu glorieux étant interminable, on dira : « Tunisie ! Ton football et une partie de ta civilité foutent le camp… »

Toutefois, avant de conclure, je ne peux m’empêcher de faire un parallèle entre les vrais actes de violence et de désobéissance à la loi (biens publics et privés pris pour cibles), blessés parmi les civils innocents (les événements de Hergla en sont l’illustration) et le sort réservé aux manifestations pacifiques du bassin minier qui n’ont généré aucuns dégâts parmi les biens de la communauté ou parmi les forces de l’ordre et leur matériel.

Dans le premier cas, il y a toujours eu certes, des arrestations et des condamnations parmi les fauteurs de troubles, mais jamais auprès des auteurs indirects de ces troubles que sont les dirigeants des clubs qui généralement par leurs déclarations ou par leur incapacité à encadrer les supporters sont tout aussi responsables. A un degré diffèrent bien entendu, mais responsables quand même… Y aurait-il une immunité spécifique aux présidents des clubs ou bien seraient-ils au dessus de la loi ?

Pour ce qui est du deuxième cas, notre justice s’est montrée particulièrement expéditive et impitoyable. Des responsables ? Elle en a déniché à la pelle, de celui qui passait à l’endroit d’une manifestation pacifique par hasard à celui qui légitimement ne faisait que remplir ses fonctions de responsable politique ou syndical. Tout ce beau monde a été embarqué dare-dare et jugé avec une extrême sévérité. Par ailleurs, les quotidiens du mercredi viennent de nous apprendre que sur les 92 supporters étoilés arrêtés, 54 ont été libérés sur… décision du ministre de l’intérieur. Serait-ce une faveur consentie à ces jeunes supporters vu la lenteur de notre justice ? On n’en saura rien comme il en a toujours été le cas dans « le pays de la transparence ». En tout cas c’est une faveur qui ne profite pas à tout le monde.

Conclusion finale ? Supporter, hooligan ou responsable d’un club de foot c’est tout de même mieux que citoyen qui défend sa famille et son droit à la vie ou qui s’engage dans la chose publique. Citoyens et jeunes de ce pays, soyez plutôt un footeux qu’un citoyen peu taiseux…

Article publié

The man in red

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