dimanche 3 août 2008

Un défi pour ou contre qui ?


Il n’est pas question dans ce billet de vous faire le compte rendu inutile de l’ouverture du congrès du rassemblement constitutionnel démocratique (RCD). Le congrès du défi pour les partisans. Le congrès de l’entêtement nuisible à la nation pour les « mauvaises langues ». Les dépêches de l’agence Tunis Afrique Presse recopiées à la lettre par les quotidiens de la place dans leurs numéros d’hier et relues, à ne point en finir, dans les journaux télévisés, ont reproduit les parties essentielles du discours du président du RCD, président de la République par ailleurs, où il annonce « son acceptation », après un vingtaine d’année de pouvoir et suite aux appels incessants dans ce sens des cadres et militants de son parti, de la « société civile » et des citoyens, de se reporter candidat à la magistrature suprême. A l’occasion, on aura su que le RCD ne disposera plus que d’un seul vice-président sans savoir pour autant si cette modification de l’article 26 du règlement intérieur du parti au pouvoir pourra apporter du neuf quant à l’organisation de l’ordre protocolaire de l’hiérarchie de l’Etat tunisien. De même, on aura remarqué la présence de nouveaux visages provenant du monde des affaires, des finances et de la radio. A défaut de visibilité et de certitudes, vous aurez compris que la troisième personne du pluriel se substitue, à la perfection à la troisième personne du singulier. « L’avenir c’est les jeunes » et, en la circonstance, force est de constater qu’ils annoncent très bien la couleur. D’ailleurs, on aura appris l’existence de rumeurs quant à la « succession » au sommet de l’Etat. « L’alternance » aurait été un terme plus appropriée et beaucoup plus indiquée. C’est certainement un choix fortuit et innocent. Le champ lexical qu’offre la démocratie demeure inconnu des rédacteurs des discours officiels. Dernière innovation, la conversion du conseil consultatif des résistants en un conseil des résistants et des grands militants. Les articles 23 et 27 du règlement intérieur du RCD ont payé les frais du rajeunissement du comité central du parti.


Dans un contexte économique interne et international qu’on présente comme étant difficile pour la nation, nécessitant les efforts et les sacrifices de toute la collectivité et des économies à tous les niveaux, c’est certainement un défi collectif que nous devons relever tous ensemble, le RCD n’a pas fait dans le discret ni dans le sobre, pour ce qui est de l’organisation de son congrès national… Loin de là … Aux côtés du Parti communiste tunisien et de sa filleule « Ettajdid », c’est certainement le parti le plus ancien du pays. C’est aussi un parti qui dispose d’un nombre impressionnant d’adhérents : 2 196 000 « militants » dévoués à la cause. Le congrès du RCD a réuni 2715 congressistes au palais des Foires du Kram. Une logistique exceptionnelle a été mise en place, une immense salle de presse, des hôtels réquisitionnés, une centaine d’invités étrangers, une flotte de berlines dont certaines n’appartiennent pas à l’Etat et un contingent impressionnant de policiers assurant une stricte mission de sécurité.

Possédant déjà un siège suréquipé de 14 étages, de très grands locaux au niveau régional et d'autres moins volumineux mais toujours conséquents dans les coins les plus reculés de la république et des cellules professionnelles dans presque toutes les entreprises publiques et privés, le parti au pouvoir, par ses énormes moyens financiers, écrase le paysage politique de tout son poids. Aux côtés du grand ministère de souveraineté de l’avenue Bourguiba, il constitue une sorte d’Etat dans l’Etat.

Ce gigantisme et cette Démonstration de force administrés à l'occasion de la tenue du congrès du « défi » nous laisse interrogatif et inquiet. A quoi pourrait bien servir pareil déploiement ? A impressionner davantage l'opinion publique ? A intimider les petits partis revendiquant une opposition claire et citoyenne et à leur montrer de quel bois se chauffe le parti-Etat et sa force de frappe ? D’ailleurs, Quel contraste entre ce parti à la masse impressionnante et ses adversaires tout chétifs qui, plus est, sont encerclés dans des locaux boites d’allumettes qui ne suffisent même pas à accueillir leurs effectifs maigrichons, sans oublier leurs moyens des plus dérisoires. Cette démesure et ces écarts ne font qu'aggraver l’hégémonie qu’exerce un parti sur toute une nation.

Ce défilé, tout en « puissance », que constitue le congrès du RCD ne s'explique que par la volonté manifeste d’administrer, à toutes et à tous, la preuve que le pays est tenu de « main de maître », que toute alternance est exclue dans un proche ou lointain avenir. « Nous sommes là et comptons y rester » et le reste n'est que poussière et particules négligeables, semble être le maître mot du moment……

Ainsi vous avez certainement constaté, avec nous, qu’au fur et à mesure que l’échéance électorale de 2009 s’approche, certains esprits semblent s'échauffer de plus en plus du côté d’un parti de moins en moins attaché au Destour. Selon des informations suffisamment fiables pour être signalées, un seul mot d’ordre circule dans toutes les fédérations et cellules du RCD. Rien ne doit être laissé au hasard. Pas une « macheikha », pas une association, pas une organisation nationale, ni une corporation ne doit être réfractaire au plébiscite annoncé.

C’est pour cette raison et en observant l’orchestration médiatique, initiée il y’a quelques temps déjà, autour de l'élection présidentielle, il y'a fort a penser qu'encore une fois, il n'y aura point de compétition démocratique et qu’au total 2009 serait vraisemblablement un mauvais remake de 2004. Il est clair que n’eut été ce regard extérieur qui observe parfois la Tunisie en matière de droits de l’homme et de libertés publiques, le 99,99 pour cent fera certainement son retour triomphal dans nos sombres soirées électorales. Un score habituel et lassant. Des chiffres d’une banalité affligeante qu’on nous présentera sans pudeur en direct sur Tunis 7 à partir du siège du ministère de l’intérieur.

En vérité, le tant attendu discours présidentiel du 21 mars et le fameux amendement de l'article 40 de la constitution avaient annoncé la couleur. Le RCD, parti-Etat, constante politique de ce pays, n'était pas prêt à remettre sa suprématie en cause. Autrement, comment expliquer que la majeure partie du discours présidentiel, en question, ait été axée essentiellement sur les préparatifs du congrès du RCD. Un discours avec une teneur hautement partisane tenu à l'occasion de la fête de l'indépendance, le jour de la fête de la jeunesse, ne fait que susciter des doutes et des suspicions des plus légitimes. En ce jour la messe été définitivement dite …

Tout ceci alors que notre pays a besoin, plus que jamais, d'une nouvelle impulsion aux libertés publiques et d'une véritable ouverture politique du pouvoir. Nous voila donc de retour au discours unanimiste, partisan et hégémonique. 20 ans se sont écoulés depuis le changement au plus haut sommet de l’état, l’espoir qu’il avait suscité, en son temps, n’est plus pour beaucoup qu’un lointain souvenir. . Certes, il y’a eu des avancées , essentiellement économiques , mais force est de constater qu'hormis une brève période où il y eut une petite bouffé de liberté, l'impression générale est au constat de régression et d'un Retour à la Case Départ.

Le congres du parti qui vient de s’ouvrir, de part la démesure des moyens, l’autosatisfaction, le ton triomphaliste qui y est employé augure d'un futur politique très peu rassurant quant aux perspectives de la démocratie dans notre pays . On ne peut que s’inquiéter davantage lorsqu’on observe le traitement réservé aux partis politiques non inféodés au pouvoir pourtant très affaiblis par le manque de moyens, les pratiques infligées aux militants de la société civile, le harcèlement policier auquel ils font face et les multiples entraves à leur liberté de mouvement.

On nous répondra que l’opposition tunisienne est minoritaire, inaudible à l’intérieur et qu’elle ne fait que de « l’exagération » et du « dénigrement ». Une affirmation facile à contredire et à démentir. Il suffira de vous signaler que la Poste Tunisienne vient d'éditer un timbre commémoratif en l'honneur du congrès du " défi" !!!!! A moins qu’on soit fortement « timbré », comment ne pas y voir un dangereux amalgame entre parti et Etat. Sinon lisez bien dans nos journaux les comptes rendu, des AG des associations sportives. Vous n'en trouverez pas une tribune qui n'est pas investie par les SG des comités de coordinations du RCD. Last but not least, le vice président du RCD occupe le 1er rang protocolaire dans toutes les cérémonies officielles de l'Etat tunisien. Le premier ministre, pourtant fonction inscrite dans la constitution, se tient toujours derrière le numéro 2 du parti destourien. Une situation susceptible d’évoluer avec la modification susmentionné du règlement intérieur du RCD. Changera t-elle à l’essentiel ? No comment!

3 commentaires:

khayati a dit…

Excellent texte

Big Trap Boy a dit…

je ne crois pas qu'il soit tout à fait correct de dire que le RCD est au pouvoir.

Le RCD n'est plus qu'un outil de pouvoir (et principalement de propagande) aux mains des quelques personnes qui sont au pouvoir.

Nuance.

khayati a dit…

@BTB
Le RCD est au pouvoir puisqu'il n'est que par ceux qui l'habitent ou l'occupent comme ferait d'une coquille un bernard l'Hermite... Et cette démonstration de force est celle de ceux qui l'animent... mais ce qui est incompréhensible, c'est: qui en est le destinataire?